17 juin 2011

La Croix du 16 juin 2011.

Enquête sur le « Woodstock du hard-rock », dont le succès commercial est terni par la présence de groupes farouchement antichrétiens.
Cette année encore, la paisible cité médiévale de Clisson (Loire-Atlantique) s’apprête à voir déferler 70 000 amateurs de « metal (1) » pour le Hellfest, la « fête de l’enfer ». 
Si certains voient d’un mauvais œil ce grand rassemblement du hard-rock, ce n’est pas seulement à cause du son des guitares hurlant à tous les diables à travers la campagne bretonne, c’est surtout à cause des textes antichrétiens, parfois d’une rare violence, proférés sur scène par une minorité de groupes. 
L’an passé, l’évêque de Nantes, Mgr Jean-Paul James, s’était interrogé sur une « contre-culture ambiguë qui peut être choquante pour la foi chrétienne » et la polémique était remontée jusqu’à l’Assemblée nationale. 

Pression sur les partenaires

Cette édition 2011 risque une nouvelle fois de l’attiser. Depuis plusieurs mois, un collectif s’est constitué autour de chrétiens de la région nantaise pour faire pression sur les partenaires de l’événement. Une pétition lancée sur Internet (2) a recueilli plus de 3 500 signatures.
Trois formations sont visées : Mahyem, Triptykon et surtout Belphegor, dont le répertoire contient des pièces particulièrement haineuses. Le P. François-Xavier Henry, curé de Clisson, semble résigné : « Les organisateurs surfent avec un certain cynisme sur la vague de christianophobie ambiante. Ils savent pertinemment que les mêmes provocations à destination de nos amis juifs ou musulmans déclencheraient un tollé. » 
De fait, plusieurs groupes ont été annulés ces derniers mois, tels Satanic Warmaster, dont le chanteur cultive des sympathies néonazies, et Anal Cunt, dont la chanson Hitler était un homme sensible risquait de faire scandale…

Pas de déprogrammation des groupes antichrétiens

« Il y a des sujets sur lesquels on ne peut pas plaisanter, reconnaît Ben Barbaud, jeune directeur du Hellfest. Ce sont les festivaliers eux-mêmes qui nous ont alertés. En revanche, on ne déprogramme pas les groupes antichrétiens, car nous considérons qu’ils sont rentrés dans le rang. » 
Leur présence « ne choque personne », va jusqu’à affirmer l’ancien élève de l’enseignement catholique, dont la mère fut catéchiste et qui s’agace d’être brocardé par « une poignée d’intégristes » : « Je n’ai rien contre l’Église. L’essence même de cette musique, c’est de provoquer. Le rock a toujours été une contre-culture. » 
Si le metal s’en prend au christianisme, selon lui, c’est pour des raisons culturelles, le genre étant né dans le monde anglo-saxon. Bref, il ne faut pas prendre « trop au sérieux tout ce grand-guignol » : « Le dimanche, ces artistes font comme tout le monde : ils tondent leur pelouse, font la vaisselle… Ils n’ont rien de satanique ! » 

Une « vieille histoire » entre le diable et musique

Pour le journaliste Philippe Manœuvre (2), ces groupes ne feraient ainsi que jouer sur « une imagerie qui existe depuis le Moyen Âge ». Le diable et la musique, rappelle-t-il, c’est une « vieille histoire ». « La Symphonie fantastique de Berlioz en fait partie, tout comme le Sympathy for the Devil des Stones. » Et l’influence malsaine de ces groupes est selon lui pur fantasme : « A-t-on constaté des messes noires, des affaires sordides dans la région de Clisson ? »
Ce n’est pas Jean-Pierre Coudrais, maire de la commune, qui égratignera une manifestation qui pèse 5 millions d’euros, emploie dix personnes à l’année et représente une manne évidente pour l’économie locale. 
« Ces festivaliers sont d’une courtoisie exemplaire : c’est l’un des rares festivals où les gendarmes osent circuler en tenue, sans être pris à partie… » Après une période de méfiance, le maire s’est donc ravisé. « Catholique, je ne me sens pas agressé, même si certains propos me gênent. De là à partir en croisade… Si demain, les églises étaient taguées, on annulerait tout », rassure-t-il.

« Ambiance bon enfant »

Fin connaisseur de l’univers metal et des dérives satanistes, sur lesquelles il a rédigé un « Documents Épiscopat », le P. Benoît Domergue écume le Hellfest depuis quatre ans : « On ne peut pas mettre tous les metalleux dans le même panier. Beaucoup sont d’abord passionnés de musique. De grands groupes célèbres, comme les Scorpions, se produisent au Hellfest dans une ambiance bon enfant. Mais sur une centaine de formations, une trentaine versent clairement dans le satanisme ou dans une vision apocalyptique du monde. »
Des critiques que Ben Barbaud relativise : « Personne n’est obligé de les écouter. De toute façon, les metalleux se fichent des paroles, je ne suis même pas sûr qu’ils les comprennent. » Cette année encore, il a proposé au curé de Clisson d’animer un stand sur le festival.

(1) Le « metal » est un dérivé brutal et sans concession du hard rock, dominé par des thèmes morbides et l’imagerie médiévale, dont les origines remontent à la fin des années 1960 avec des groupes comme Black Sabbath.
(2) Lire   Les Enfers du rock  , Éditions Tana (2009).
FRANÇOIS-XAVIER MAIGRE