Le responsable du blog Les Yeux Ouverts, implanté dans la région Ouest, est particulièrement engagé dans la lutte contre la christianophobie dont témoignent certains groupes invités au HellFest, prévu à Clisson, en Loire-Atlantique, du 17 au 19 juin 2011. Interview à l’occasion de la création du collectif « Provocs HellFest : ça suffit ! ».
Libertepolitique.com — Depuis combien de temps le HellFest a-t-il lieu à Clisson, et depuis combien de temps vous intéressez-vous à cet événement ?
Le HellFest en est cette année à sa cinquième édition, l’édition 2010 ayant été marquée par la programmation de plusieurs groupes ouvertement christianophobes, ou faisant allégeance à Satan et y encourageant. Le fait que je sois natif de Clisson n’est pas étranger à mon engagement qui date, sérieusement, de l’année dernière.
Que reprochez-vous à ce festival musical ?
Le HellFest, littéralement « fête de l’enfer », est un important rendez-vous pour les fans de métal, festival qui est soutenu à la fois par des subventions des collectivités territoriales, mais aussi par des emplois aidés par exemple. Plusieurs dizaines de milliers d’euros sont ainsi déboursés. Que des pouvoirs publics apportent leur soutien à des manifestations culturelles n’a rien de choquant. Sous réserve tout de même d’exercer un droit de regard : l’argent est tout de même celui des contribuables.
En quoi n’est-ce pas une manifestation culturelle comme les autres ?
On le sait, le métal correspond à un certain état d’esprit qui se revendique soit comme une culture à part entière, soit comme une contre-culture. Dans le métal, coexistent de fait des sensibilités musicales et comportementales différentes. Et ce qui pose problème, c’est cette partie du métal diffusant des propos d’une très grande transgression et de haine contre les chrétiens (uniquement eux) et l’Eglise. Les « métalleux » (adeptes de la musique métal, NDLR), les organisateurs et leurs soutiens évoquent souvent le second degré, voire l’humour et plus souvent encore la liberté d’expression pour justifier cette part du métal contestable et dangereuse au regard du bien commun et du bien vivre ensemble. Il n’y a pas de liberté sans responsabilité et il ne faut pas sous-estimer l’impact de tels attitudes et propos, notamment en direction des plus fragiles.
Est-ce que tout est à condamner selon vous dans la programmation du HellFest ?
Ce qui est clairement en question, ce sont la vingtaine de groupes qui cette année encore, et de l’aveu même des organisateurs, sont invités au HellFest pour répandre la haine. Après un dialogue soutenu toute l’année passée et deux rencontres avec l’organisateur Ben Barbaud qui s’était engagé à ce que nous débattions de la programmation 2011, j’ai malheureusement constaté que ce dialogue n’était qu’un leurre. Et la programmation 2011 m’en a apporté la preuve : d’un côté, on dit « OK pour le dialogue » et de l’autre, « cause toujours » ! C’est pourquoi je me suis à nouveau engagé dans une action de décorticage, en appelant chacune et chacun, chrétien ou pas, à prendre la mesure des dérapages transgressifs et des atteintes au respect véhiculés par une partie de cette fête de l’enfer, près de 15% tout de même et encore plus quand on consulte la boutique officielle du HellFest, au rayon CD Death et Black metal.
Qu'avez-vous fait les années passées ? Quels résultats avez-vous obtenus ?
L’action d’information est capitale et j’ai bien conscience qu’elle s’inscrit dans le temps, notamment vers les médias qui le plus souvent se contentent de reprendre les communiqués du HellFest, sans aucune distance. C’est la raison pour laquelle je fais un effort particulier en leur direction, où je reçois plutôt un bon accueil, et curieusement des médias non-chrétiens. Les pouvoirs publics, de leur côté, se sont refusés jusqu’à présent à regarder cette réalité. Enfin, nombre de métalleux sont « fermés » à ce qu’ils considèrent comme une remise en cause et réagissent souvent avec des réflexes communautaristes.
Cependant, les premiers résultats commencent à venir : il y a eu d’abord la déprogrammation d’un groupe néo nazi, « Satanic Warmaster ». Puis celle, un peu plus tard et sous l’impulsion de mon blog, d’un groupe de Grindcore plaisantant avec les victimes de la Shoah et de la déportation : ces annulations viennent comme en écho aux annulations de concert du groupe de rap Sexion d’Assaut pour ses propos homophobes.
Cette année, un collectif « Provocs HellFest ça suffit ! » se met en place. Il y a enfin la réaction d’une conseillère régionale qui a eu le courage d’intervenir lors de la session du 21 mars pour réclamer plus de vigilance. J’espère que les autorités religieuses, en particulier les évêques que je tiens informés, auront à cœur d’alerter sur ce danger, comme certains ont commencé par le faire l’année dernière. J’ose espérer que les médias chrétiens se feront plus facilement l’écho de cette question.
Que recherchez-vous ? La révision du programme du HellFest ? L'annulation des subventions publiques ? L'interdiction du festival ?
Je milite depuis le début pour une bien plus grande vigilance, afin qu’aux groupes et aux chansons qui blessent le sens commun et les chrétiens, soit opposé le respect. Chacun reconnait, organisateurs comme pouvoirs publics ou sponsors, que des propos homophobes ou islamophobes sont impossibles à tenir, même en évoquant le second ou troisième degré et c’est très bien ainsi.
Quand il est appelé à profaner des tombes, quand les chrétiens appelés à être traités comme de la m…, quand la porno-nécrophagie y est banalisée, quand il est appelé à la guerre contre l’Occident chrétien, ces propos ne sont-ils pas tout aussi condamnables ? Clairement, c’est à un tri que j’appelle et je ne vois pas, à plus ou moyen terme, comment il pourrait en être autrement. Il est clair par ailleurs, et c’est le sens de l’intervention de la conseillère régionale, que si rien ne bouge, on va tout droit vers le dépôt de plainte.
Concernant les chrétiens, je ne vois pas en quoi ils méritent moins de respect que n’importe quel autre croyant ou incroyant. Quoiqu’on en dise, surtout d’ailleurs les organisateurs, la vérité sur le HellFest ne sert pas plus le HellFest que le métal : par ailleurs les métalleux sont directement concernés par ce qui fait aujourd’hui le métal et ce le fera demain.
Vous dénoncez les contenus des chansons des groupes présents : sait-on quelles sont les influences de ces musiques sur leurs auditeurs ?
D’après la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, NDLR), la fréquentation assidue des concerts de métal présente des dangers, notamment pour des personnes en état de déséquilibre ou de mal vivre. Dans une société où la violence est hyper-présente, à la télévision, au cinéma, dans les jeux vidéos, il apparaît que les jeunes, voire les très jeunes, basculent de plus en plus dans celle-ci, envers les autres et envers eux-mêmes. La transgression, la révolte, la haine exprimées par cette partie du métal en question constitue un des vecteurs de la banalisation de la violence et du nihilisme, constituant d’une part un danger explicite envers les personnes et d’autre part une contribution à la désagrégation du lien social et du bien commun.
Mais constate-t-on dans la région des éléments objectifs d'atteinte à l'ordre public que l'on puisse lier au HellFest : dégradations, violences contre les personnes, ou actes de profanations ? Ou bien le festival est-il inoffensif ?
Il n’y a pas à ce jour d’incident du type que vous décrivez durant le HellFest, mais faut-il attendre l’incident pour, alors, réagir ? Il faut tout de même noter que des églises ont été taguées à Nantes l’année dernière lors de la première vague d’affichage ; que, selon le Père Domergue, des chapelles ont été profanées en Bretagne avec notamment des paroles du groupe Slayer faisant explicitement référence à Satan ; que des profanations de tombes dans des cimetières catholiques sont dues à des jeunes qui à la question des forces de police « Pourquoi ? » ont répondu : « J’ai entendu une voix ! ».
Quand des chansons banalisent à ce point la porno-nécrophagie, la profanation de tombes, la haine des chrétiens, l’allégeance à Satan, je dis qu’il ne faut pas y voir que du folklore et du second degré quand ils proviennent de groupes en question et qu’en réalité, c’est une fois de plus le relativisme culturel qui prend le dessus, par lâcheté ou indifférence, sur le bien commun.
Je suis frappé par le communautarisme de nombre de métalleux tendance black métal, de leur peu de sens critique et d’ouverture dès lors qu’ils parlent métal. De la même façon, leur culture religieuse, quand ils en ont, a pour source exclusive les textes du Dieu vengeur et coléreux de l’Ancien Testament en faisant référence en permanence aux seuls écarts de l’Eglise : cela constitue une vraie interpellation pour l’Église et l’Évangélisation.
Quels fruits a porté le dialogue avec les organisateurs ? Qu'espérez-vous pour cette année ?
Le dialogue avec les organisateurs et les pouvoirs publics est aujourd’hui bien difficile, vous l’aurez compris. C’est même plutôt une fin de non-recevoir. De même que l’on ne se débarrasse pas aisément d’un mauvais penchant, surtout quand il est ancré en nous depuis longtemps, et qu’il faut quelquefois un événement d’une certaine « brutalité » pour enfin reconquérir un espace de liberté, de même le métal qui a quarante ans et dont l’un des fondements historiques est le groupe Black Sabbath, nom combien évocateur, ne peut-il pas facilement se débarrasser de ses vieux démons : il faudra sans doute là aussi un électrochoc !
Propos recueillis par Thibaut Dary auprès de l’animateur du blog « Les Yeux Ouverts »