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13 décembre 2011

Pourquoi tant de haine ? Retour sur un billet 2011 d’un blog metal.

Ce n’est pas nous qui évoquons le sujet mais « Radio metal » avec pour titre « Pourquoi tant de haine ? » et pour sous titre « Jouons aux différences avec… La première affiche du Hellfest 2011 »

"L’édition 2011 du Hellfest se dessine doucement via la première annonce, parue il y a un mois environ. Comme d’habitude, il y a des groupes de tous les horizons (géographiques et musicaux) dont le seul point commun est leur qualité musicale indiscutable dans leurs domaines respectifs. Ainsi, de Converge à Orphaned Land, de Septic Flesh à Coroner, de Mayhem à Sodom ou de Triptykon à Karma To Burn, rien n’est à jeter. Cette première annonce laisse encore une fois augurer une programmation unique et exceptionnelle, à des années-lumières des néons tapageurs des autres gros festivals européens.

Pourtant tout n’est pas rose dans l’ancienne cité fortifiée du royaume de Bretagne. Malgré l’excellente première vague de groupe, un détail a fait tiquer votre serviteur : l’affiche. Elle n’est pas vraiment inesthétique, ni choquante à proprement parler. Nous parlerons ici plutôt de gratuite et malvenue.

Pour les metalleux francophones ayant entrepris une année d’exil sur la lune, il faut savoir que l’édition 2010 du Hellfest a été entourée d’une polémique concernant son nom, son affiche et la présence de certains groupes auxquels sont reprochés des paroles contraires à la loi française encadrant la liberté d’expression. Après recherche sur internet, le texte auquel il est fait référence est l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881, modifiée en 1992 par Jean-Claude Gayssot. Cet article dit : « §24 : […]Ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d’un an d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement ».

Cet article appelle une autre question : quels sont ces moyens énoncés dans l’article 23. Là encore, on peut trouver la réponse sur internet : « §23 : Seront punis comme complices d’une action qualifiée crime ou délit ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique, auront directement provoqué l’auteur ou les auteurs à commettre ladite action, si la provocation a été suivie d’effet. Cette disposition sera également applicable lorsque la provocation n’aura été suivie que d’une tentative de crime prévue par l’article 2 du code pénal

En gros, on ne dit pas ce qu’on veut comme on veut, surtout si c’est insultant. Ces limites semblent assez claires quand on voit le traitement que vit Sexion d’Assaut suite au propos homophobes tenus dans le magazine International Hip-Hop. S’il n’y a pas eu de décision de justice pour l’instant, le groupe a vu nombre de ses concerts annulés et MTV a retiré sa nomination aux MTV Music Awards.

Attardons-nous un moment sur l’affiche. Qu’y voit-on : un homme, barbu aux cheveux longs, entouré d’une aura de lumière noire, au regard vitreux et aux joues lépreuses, marqué sur son front du signe du festival. Cet homme, à l’instar de beaucoup de représentations traditionnelles des figures christiques, a les yeux tournés vers le ciel. Difficile de savoir s’il s’agit du Christ ou non, mais il fait immanquablement penser à sa représentation dans « La Passion Du Christ » de Mel Gibson ou au « Christ à Emmaüs » de Rembrandt. Ce regard vitreux, ces joues souillées et cette aura noire font immédiatement penser à un Christ noir ou déchu. A défaut de reprendre simplement l’imagerie Biblique de Satan comme c’est souvent le cas dans le metal, cette affiche cherche simplement à blasphémer, surplombé par le « très inspiré » Our Music, Our Religion. « Un appât lancé à Christine Boutin et à sa bande de Boy Scouts comme le disais justement Animal… Mais pas que.

Déjà, cette affiche ne joue pas du tout la carte de l’apaisement. Là où les anti-Hellfest se décrédibilisaient eux-mêmes l’année dernière en comparant une figure mythologique (le loup-garou issu de la mythologie grecque) avec une figure biblique (le diable), on leur donne cette année le bâton pour se faire battre avec une affiche clairement blasphématoire. C’est aussi un formidable doigt levé aux quelques tentatives de dialogue instaurées l’année dernière. A ce titre elle a réussi à faire basculer dans le camp des « anti-Hellfest » une partie des catholiques qui jusqu’à présent trouvaient disproportionnées les attaques en règle contre le festival. Même le Père François, prêtre à Clisson et jusqu’ici dans une démarche de consensus, a fait part de son mécontentement dans le quotidien Ouest France daté du 12 octobre (archive non disponible sur le site, retranscription ici). Et je ne parle pas des metalleux catholiques qui doivent se sentir bien seuls face au dilemme : être en accord avec leur foi ou participer à ce qui est le meilleur festival d’Europe (qualitativement parlant).

On pourra toujours dire qu’il ne s’agit là que de folklore, mais comme le disait Doc il y a quelques semaines sur ce site, « Des paroles malsaines, une musique agressive, des chevelus décervelés, de nombreuses insultes proférées à l’égard de la religion et j’en passe : bien sûr que nous sommes nuisibles à la société. Du folklore ?! Mais qu’on arrête avec le folklore… le folklore c’est de la philosophie de pacotille, de la masturbation intellectuelle». Les actes, les paroles, les images… Tout à une portée. Penser que l’on puisse faire, dire, chanter, peindre tout et n’importe quoi impunément tout en rejetant les conséquences (potentielles ou non) relève d’une certaine idiotie puérile.

On pourra aussi opposer à cet article la sacro-sainte provocation et je vais encore répondre en citant encore le Doc, à propos de Dunkelnacht : «  La provocation ? Je suis pour également, no problem. Mais la provocation est un art et pour que ce soit de l’art il faut que ce soit utilisé à bon escient : c’est-à-dire qu’il y ait du sens. Un sens. Lequel je m’en fiche, mais du sens quand même ». J’avoue ne pas saisir le sens profond de cette provocation, à mes yeux, gratuite.

Quoique gratuite dans ce cas me semble un terme inapproprié. C’est une provocation payante dans le sens où elle semble avoir été mûrement réfléchie : un bon gros blasphème, rien de mieux pour attirer les médias et faire parler d’eux. En supposant qu’à l’instar de l’année précédente, l’icône évolue au fil des annonces et/ou que le buzz se propage suffisamment, on aura bientôt le Hellfest dans le 20h, chez Morandini ou dans C Dans L’air.  De grands journalistes qui n’y connaissent rien donneront leur avis éclairé et débattront stérilement comme ils savent si bien le faire. Les metalleux feront les vierges effarouchées car on ne parle d’eux qu’en mal dans les magazines, qu’on les fait passer pour des décérébrés, brûleurs d’église, tueurs de prêtre, profanateurs de tombes. Comme les catholiques, desquels la campagne est partie l’année dernière, ils camperont sur leur position, étaleront leur étroitesse d’esprit sur des pages entières de blog et jamais – au grand jamais ! – n’accepteront de se remettre en question et d’accepter que, non, tout n’est pas blanc dans le metal.

En attendant ces événements (les gros titres des journaux, pas l’étroitesse d’esprit des metalleux qui, elle, a court depuis l’Âge de Bronze) reste cette affiche, artistiquement et esthétiquement réussie, pas du tout juridiquement condamnable, mais qui fait craindre que le débat ne sorte encore du cadre musical alors qu’il est le point le plus important pour un festival. Pour une fois, il aurait été intéressant de faire profil bas."